Pourquoi ce frisson à la vue d'une cabane? Frisson de convoitise et morsure au coeur devant le signe d'un Paradis perdu, d'un temps où l'on s'abritait du soleil sans perdre la vue des étoiles au coeur de la nuit la plus noire. Frisson de désir qui nous ferait délaisser le plus élégant des châteaux pour une cabane de moine dans le silence des forêts. C'est que la cabane n'est pas la réduction d'une maison en miniature, la réplique d'un modèle inaccessible. Non la cabane, c'est l' hétérotopie par excellence, un espace autre, en retrait du monde. Un lieu où l'on échappe à la tyrannie du quotidien et de l'horloge avec sa cohorte de corvées et de soucis; ni lave-vaisselle, ni réveil dans une cabane, pas de superflu, juste l'indispensable pour un coeur solitaire au repos. La cabane se vit seul, égoïstement, dans l'affranchissement de la pesanteur des corps. Aucune fonction organique en ce lieu, on ne fait qu'y abriter son imaginaire.
C'est un espace en rupture, de violence exorcisée, de cruauté désarmée, un refuge de douceur et de tendresse où le temps ne blesse plus. C'est le placard de l'enfant retranché dans ses rêves, c'est l'île aux câlins dans le lit des parents, c'est un petit théâtre d'ombres dans le crépuscule de la chambre, c'est la maison primitive telle que la décrit Claude-Nicolas Ledoux dans son Traité d'architecture, un arbre et son ombre. C'est un lieu sacralisé dans lequel on n'entre pas sans être invité par les mots magiques, "on dirait que...". C'est 'notre maison' mais c'est toujours 'ma cabane', le lieu de l'archéologie de soi, où l'on se retrouve infans, sans parole. Le lieu des rébellions et des renversements, où redescendre en soi-même pour réinventer tous les possibles.
C'est un espace en rupture, de violence exorcisée, de cruauté désarmée, un refuge de douceur et de tendresse où le temps ne blesse plus. C'est le placard de l'enfant retranché dans ses rêves, c'est l'île aux câlins dans le lit des parents, c'est un petit théâtre d'ombres dans le crépuscule de la chambre, c'est la maison primitive telle que la décrit Claude-Nicolas Ledoux dans son Traité d'architecture, un arbre et son ombre. C'est un lieu sacralisé dans lequel on n'entre pas sans être invité par les mots magiques, "on dirait que...". C'est 'notre maison' mais c'est toujours 'ma cabane', le lieu de l'archéologie de soi, où l'on se retrouve infans, sans parole. Le lieu des rébellions et des renversements, où redescendre en soi-même pour réinventer tous les possibles.
1 François Houtin, Les Cabanes du jardinier
2 Valérie Albertosi, Croquis d'idée
3 Antoine Grumbach, La maison primitive
4 Carl Norac, Claude K. Dubois, L'île aux câlins, petite bibliothèque de l'école des loisirs, février 2004
Ce petit texte m'a été inspiré par Marianne Evennou qui imagine de si jolis refuges de douceur et de tendresse et par Cat qui m'a fait découvrir le texte de Michel Foucault sur les Hétérotopies que je mastique depuis, comme dans Les mots doux de Carl Norac et Claude K. Dubois. J'en ai longtemps gardé les joues toutes gonflées...
On vit, on meurt, on aime dans un espace quadrillé, découpé, bariolé, avec des zones claires et sombres, des différences de
niveaux, des marches d'escalier, des creux, des bosses, des régions dures et d'autres friables, pénétrables, poreuses. Il y a les régions de passage, les rues, les trains, les métros ; il y a les régions ouvertes de la halte transitoire, les cafés, les cinémas, les plages, les hôtels, et puis il y a les régions
fermées du repos et du chez-soi. Or, parmi tous ces lieux qui se distinguent les uns des autres, il y en a qui sont absolument différents : des lieux qui s'opposent à tous les autres, qui sont destinés en quelque sorte à les effacer, à les neutraliser ou à les purifier. Ce sont en quelque sorte des contre-espaces. Ces contre-espaces, ces utopies localisées, les enfants les connaissent parfaitement. Bien sûr, c'est le fond du jardin, bien sûr, c'est le grenier, ou mieux encore la tente d'Indiens dressée au milieu du grenier, ou encore, c'est - le jeudi après-midi - le grand lit des parents. C'est sur ce grand lit qu'on découvre l'océan, puisqu'on peut y nager entre les couvertures ; et puis ce grand lit, c'est aussi le ciel, puisqu'on peut bondir sur les ressorts ; c'est la forêt, puisqu'on s'y cache ; c'est la nuit, puisqu'on y devient fantôme entre les draps ; c'est le plaisir, enfin, puisque, à la rentrée des parents, on va être puni.
Michel Foucault, Les Hétérotopies,
France-Culture, 7 décembre 1966