7.6.12

Brindilles. Les oiseaux rêvés de Suzanne Husky et George Sand




Charité envers les autres;
Dignité envers soi-même;
Sincérité devant Dieu.


George Sand, Histoire de ma vie




















































1, 2 Dessins de Suzanne Husky pour son projet "Brindilles"
3,4,5 Mise en oeuvre du projet sur le site de Suzanne Husky- 
6,7 Intérieur des abris
8,9,10, 11,12,13 Documentation iconographique choisie par Suzanne Husky pour l'intérieur de "Brindilles"





San Francisco based French artist Suzanne Husky created "Brindilles" for Horizons 2011 a Land-art exhibition in Le massif du Sancy in France. With these small cabins made of branches and twigs and looking like bird nests she focused on the long and intense relationship between birds and men.
Elle imagine ces installations comme "une fenêtre qui permet de regarder l'extérieur et surtout les oiseaux" pour méditer sur le monde rêvé des oiseaux à travers les âges. Avec ces abris qui semblent surgir de terre elle a voulu jouer sur "la part animale qui nous attire vers les terriers, vers les petites choses." Dans Dernières bouchées sauvages, elle interroge les Anciens rencontrés dans le Couserans (Ariège) sur des pratiques alimentaires aujourd’hui disparues quand  plantes et animaux sauvages étaient consommés, mais aussi connus et respectés. Click here to view the documentaty. 


 Horizons, Rencontres  Arts Nature, Massif du Sancy, 



6ème édition 2012 
  


Le travail sensible de cette jeune artiste m'a fait penser à la vision des oiseaux de George Sand et à l'étonnante filiation rêvée qu'elle revendique dans Histoire de ma vie, avec ces "bipèdes emplumés" qu'elle voit "comme autant de parrains et de marraines". "Mystérieux patrons avec lesquels j'ai toujours eu des affinités particulières", écrit-elle. 







On n'est pas seulement l'enfant de son père, on est aussi un peu, je crois, celui de sa mère. Il me semble même qu'on l'est davantage, et que nous tenons aux entrailles qui nous ont portés de la façon la plus immédiate, la plus puissante, la plus sacrée. Or, si mon père était l'arrière-petit-fils d'Auguste II, roi de Pologne et si, de ce côté, je me trouve d'une manière illégitime, mais fort réelle, proche parente de Charles X et de Louis XVIII, il n'en est pas moins vrai que je tiens au peuple par le sang, d'une manière tout aussi intime et directe; de plus, il n'y a point de bâtardise de ce côté-là.



Ma mère était une pauvre enfant du vieux pavé de Paris; son père, Antoine Delaborde, était maître paulmier et maître oiselier, c'est à dire qu'il vendit des serins et des chardonnerets sur le quai aux Oiseaux, après avoir tenu un petit estaminet avec billard, dans je ne sais quel coin de Paris, où, du reste, il ne fit point ses affaires. Le parrain de ma mère avait, il est vrai, un nom illustre dans la partie des oiseaux: il s'appelait Barra; et ce nom se lit encore au boulevard du Temple, au-dessus d'un édifice de cages de toutes dimensions, où sifflent toujours joyeusement une foule de volatiles que je regarde comme autant de parrains et de marraines, mystérieux patrons avec lesquels j'ai toujours eu des affinités particulières.

Expliquera qui voudra ces affinités entre l'homme et certains êtres secondaires dans la création. Elles sont tout aussi réelles que les antipathies et les terreurs insurmontables que nous inspirent certains animaux inoffensifs. Quant à moi, la sympathie des animaux m'est si bien acquise, que mes amis en ont été souvent frappés comme d'un fait prodigieux. J'ai fait à cet égard des éducations merveilleuses; mais les oiseaux sont les seuls êtres de la création sur lesquels j'aie jamais exercé une puissance fascinatrice, et s'il y a de la fatuité à s'en vanter, c'est à eux que j'en demande pardon.
Je tiens ce don de ma mère, qui l'avait encore plus que moi, et qui marchait toujours dans notre jardin accompagnée de pierrots effrontés, de fauvettes agiles et de pinsons babillards, vivant sur les arbres en pleine liberté, mais venant becqueter avec confiance les mains qui les avaient nourris. Je gagerais bien qu'elle tenait cette influence de son père, et que celui-ci ne s'était point fait oiselier par un simple hasard de situation, mais par une tendance naturelle à se rapprocher des êtres avec lesquels l'instinct l'avait mis en relation. Personne n'a refusé à Martin, à Carter et à Van Amburgh une puissance particulière sur l'instinct des animaux féroces. J'espère qu'on ne me contestera pas trop mon savoir-faire et mon savoir-vivre avec les bipèdes emplumés qui jouaient peut-être un rôle fatal dans mes existences antérieures.
Plaisanterie à part, il est certain que chacun de nous a une prévention marquée, quelquefois même violente, pour ou contre certains animaux. Le chien joue un rôle exorbitant dans la vie de l'homme, et il y a bien là quelque mystère qu'on n'a pas sondé entièrement. J'ai eu une servante qui avait la passion des cochons, et qui s'évanouissait de désespoir quand elle les voyait passer entre les mains du boucher; tandis que moi, élevée à la campagne, rustiquement même, et devant m'être habituée à voir ces animaux qu'on nourrit chez nous en grand nombre, j'en ai toujours eu une terreur puérile, insurmontable, jusqu'au point de perdre la tête si je me vois entourée de cette gent immonde: j'aimerais cent fois mieux me voir au milieu des lions et des tigres.
C'est peut-être que tous les types, departis chacun spécialement à chaque race d'animaux, se retrouvent dans l'homme. Les physionomistes ont constaté des ressemblances physiques; qui peut nier les ressemblances morales? N'y a-t-il pas parmi nous des renards, des loups, des lions, des aigles, des hannetons, des mouches? La grossièreté humaine est souvent basse et féroce comme l'appétit du pourceau, et c'est ce qui me cause le plus de terreur et de dégoût chez l'homme. J'aime le chien, mais pas tous les chiens. J'ai même des antipathies marquées contre certains caractères d'individus de cette race. Je les aime un peu rebelles, hardis, grondeurs et indépendans. Leur gourmandise à tous me chagrine. Ce sont des êtres excellens, admirablement doués, mais incorrigibles sur certains points où la grossièreté de la brute reprend trop ses droits. L'homme-chien n'est pas un beau type.
Mais l'oiseau, je le soutiens, est l'être supérieur dans la création. Son organisation est admirable. Son vol le place matériellement au-dessus de l'homme, et lui crée une puissance vitale que notre génie n'a pu encore nous faire acquérir. Son bec et ses pattes possèdent une adresse inouïe. Il a des instincts d'amour conjugal, de prévision et d'industrie domestique; son nid est un chef-d'œuvre d'habileté, de sollicitude et de luxe délicat. C'est la principale espèce où le mâle aide la femelle dans les devoirs de la famille, et où le père s'occupe, comme l'homme, de construire l'habitation, de préserver et de nourrir les enfans. L'oiseau est chanteur, il est beau, il a la grace, la souplesse, la vivacité, l'attachement, la morale, et c'est bien à tort qu'on en a fait souvent le type de l'inconstance. En tant que l'instinct de fidélité est départi à la bête, il est le plus fidèle des animaux. Dans la race canine si vantée, la femelle seule a l'amour de la progéniture, ce qui la rend supérieure au mâle; chez l'oiseau, les deux sexes, doués d'égales vertus, offrent l'exemple de l'idéal dans l'hyménée. Qu'on ne parle donc pas légèrement des oiseaux. Il s'en faut de fort peu qu'ils ne nous valent; et comme musiciens et comme poètes, ils sont naturellement mieux doués que nous. L'homme-oiseau c'est l'artiste.


George Sand, Histoire de ma vie, Paris 1855.
Texte en accès libre en ligne, projet Gutenberg
*Françoise  Alexandre, La femme et l'oiseau dans l'oeuvre de George Sand, juin 2011. 
A signaler, le très bel article sur "Brindilles" dans ,  The Weekender Ausgabe 4 Winter 2011, intitulé Du point de vue des oiseaux (ma traduction) : 


Vogelperspektiven


Die Künstlerin Suzanne Husky hat im zentralfranzösischen Dörfchen Murol drei merkwürdige, unterschiedlich große Hütten mit geheimnisvollem Innenleben hinterlassen.












The Weekender est une revue germanophone, basée à Cologne, parution trimestrielle.

Ella Balaert, George Sand à Nohant  Drames et mimodrames, Belin, 2012 



2 comments:

  1. What a fascinating post - thank you! An upturned nest full of strange bird's eggs and associations. The pairing of the two contrasting bird boys is intriguing too.

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  2. Oh Bridget, how amusing that you reacted to this post! I had very much you in mind when I wrote it. Do you remember "Bird by bird my lad" ?

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