La façade principale, sur la rue de l’Hospice, était une façade à perron double, noircie,
à grandes fenêtres et sans grâces, une maison bourgeoise de vieux village,
mais la roide pente de la rue bousculait un peu sa gravité, et son perron boitait,
six marches d’un côté, dix de l’autre.
Grande maison grave, revêche avec sa porte à clochette d’orphelinat,
son entrée cochère à gros verrou de geôle ancienne, maison qui ne souriait que d’un côté. *
à grandes fenêtres et sans grâces, une maison bourgeoise de vieux village,
mais la roide pente de la rue bousculait un peu sa gravité, et son perron boitait,
six marches d’un côté, dix de l’autre.
Grande maison grave, revêche avec sa porte à clochette d’orphelinat,
son entrée cochère à gros verrou de geôle ancienne, maison qui ne souriait que d’un côté. *
Quand je suis arrivée pour la première fois devant le Musée Colette de Saint-Etienne-la-Puisaye j'ai eu le sentiment d'être flouée. Ce n'était pas là la maison bourgeoise et "boiteuse" de Colette qui "ne souriait que d'un côté". Celle-là avec son faux air de château ne sied guère à la désinvolture sans façon de Colette toujours prête à bousculer l'étiquette et la bienséance. Et bien voilà le mal est réparé et Colette va enfin retrouver sa maison d'enfance, la maison que Sido et le Capitaine durent quitter pour dettes après la vente aux enchères publiques, le 15 juin 1890, des meubles qu'ils ne pouvaient emporter à Châtillon sur Loing, quand la jeune Gabrielle n'avait encore que dix-sept ans.
Son revers, invisible au passant, doré par le soleil, portait manteau de glycine et de bignonier mêlés, lourds à l'armature de fer fatigué, creusée en son milieu comme un hamac, qui ombrageait une petite terrasse dallée et le seuil du salon... Le reste vaut-il que je le peigne, à l'aide de pauvres mots? Je n'aiderai personne à contempler ce qui s'attache de splendeur, dans mon souvenir, aux cordons rouges d'une vigne d'automne que ruinait son propre poids, cramponnée, au cours de sa chute, à quelque bras de pin. Ces lilas massifs dont la fleur compacte, bleue dans l'ombre, pourpre au soleil, pourrissait tôt, étouffée par sa propre exubérance, ces lilas morts depuis longtemps ne remonteront pas grâce à moi vers la lumière, ni le terrifiant clair de lune, - argent, plomb gris, mercure, facettes d'améthystes coupantes, blessants saphirs aigus, - qui dépendait de certaine vitre bleue, dans le kiosque au fond du jardin. *
Depuis septembre 2011, la maison où Colette a passé son enfance est classée "lieu de mémoire littéraire". Les travaux de réhabilitation sont menés par Pascal Prunet, architecte en Chef des Monuments Historiques assistés de spécialistes expérimentés et passionnés par le défi de la restitution d'un univers aussi intime qu' insaisissable.
Maison et jardin vivent encore, je le sais, mais qu'importe si la magie les a quittés, si le secret est perdu qui ouvrait, - lumière, odeurs, harmonie d'arbres et d'oiseaux, murmure de voix humaines qu'a déjà suspendu la mort, - un monde dont j'ai cessé d'être digne ? (...) *
* Colette, La maison de Claudine, chapitre 1
"Maison
et jardin vivent encore, je le sais(...)." Oui ils vivent encore et plus
encore. Ils sont partie intégrante de l'héritage des lecteurs de Colette
et leur lumière blessante de "saphirs aigus", leur gravité provinciale vont
continuer de façonner leur goût et leur désir de maison.
Dans Claudine à l'école, La maison de Claudine, Sido ou Dialogues de
bêtes, Colette a fait de la maison de son enfance, de son paradis perdu un
personnage à part entière. Il me semble qu'il manque à La poétique de l'espace
de Gaston Bachelard un chapitre sur la phénoménologie de l'ombre et de la lumière
qui sont parties constituantes de la géométrie de l'espace et à tout le moins
de sa perception. En re-parcourant les écrits de Colette pour trouver les
passages où elle parle de ses maisons ou d'appartements, des lieux qui l'ont
accueillie ou repoussée, j'ai été particulièrement attentive à ses relevés de la lumière.
Les appartements parisiens tout blanc et baignés de lumière électrique lui font
regretter les coins et "rabicoins" de son cher Montigny de fiction. Il faudrait
citer et analyser les nombreux passages où elle note avec une précision