16.3.12

Water (1) Rêverie Profonde

"L'être voué à l'eau est un être en vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s’écoule." Gaston Bachelard, L'Eau et les rêves, essai sur l'imagination de la matière.










Image captured by Phoebe Rudomino, underwater photographer and commercial diver of Diving Services UK. Based at the Underwater Stage, Pinewood Studios, Phoebe specialises in behind-the-scene underwater shoots for  film, television and commercial and pop video. The images were taken at the Pinewood Studios which contains an underwater Stage which houses a permanently filled water tank, holding 1.2 million litres of water and a water-filming facility. Rudmino explains that "U Stage provides such a secure and comfortable water filming environment that we're able to produce almost any type of underwater production shoot."  




Gaston Bachelard

Je retrouve toujours la même mélancolie devant les eaux dormantes, une mélancolie très spéciale qui a la couleur d'une mare dans une forêt humide, une mélancolie sans oppression, songeuse, lente, calme. Un détail infime de la vie des eaux devient souvent pour moi un symbole psychologique essentiel. [...] C'est près de l'eau et de ses fleurs que j'ai mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l'intermédiaire d'un rêveur. Si je veux étudier la vie des images de l'eau, il me faut donc rendre leur rôle dominant à la rivière et aux sources de mon pays. Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de la Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d'un vallon, au bord d'une eau vive, dans l'ombre courte des saules et des osières. Et quand octobre viendrait, avec ses brumes sur la rivière... Mon plaisir est encore d'accompagner le ruisseau, de marcher le long des berges, dans le bon sens, dans le sens de l'eau qui coule, de l'eau qui mène la vie ailleurs, au village voisin. Mon « ailleurs » ne va pas plus loin. [...] Le Vallage a dix-huit lieues de long et douze de large. C'est donc un monde. Je ne le connais pas tout entier : je n'ai pas suivi toutes ses rivières. Mais le pays natal est moins une étendue qu'une matière; c'est un granit ou une terre, un vent ou une sécheresse, une eau ou une lumière. C'est en lui que nous matérialisons nos rêveries ; c'est par lui que notre rêve prend sa juste substance ; c'est à lui que nous demandons notre couleur fondamentale. En rêvant près de la rivière, j'ai voué mon imagination à l'eau, à l'eau verte et claire, à l'eau qui verdit les prés. Je ne puis m'asseoir près d'un ruisseau sans tomber dans une rêverie profonde, sans revoir mon bonheur... Il n'est pas nécessaire que ce soit le ruisseau de chez nous, l'eau de chez nous. L'eau anonyme sait tous mes secrets. Le même souvenir sort de toutes les fontaines...
Gaston Bachelard, L'Eau et les rêves, essai sur l'imagination de la matière, © Librairie José Corti 1942. Le livre de Poche n°4160, Paris 2007, pages 13-15

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