17.3.14

Grande lessive. Vers le pays d'Auge en passant par Rouen




















Le ciel est si bleu, si haut, si pur on dirait que les anges et les chérubins ont fait leur lessive. Un halo plus blanc juste au dessus de la ligne d'horizon signe la promesse d'une journée radieuse. Les plis de l'hiver se défroissent dans la vapeur d'un matin printanier. Les pommiers en fleurs moussent encore dans votre mémoire et se superposent à une plage de diamant étincelante. La Côte Fleurie et son arrière pays frais comme du beurre, ses maisons de brique rose, ses nuages crémeux et ses plages de  débris nacrés;  votre  première vision de la Normandie est associée pour toujours aux pommiers en fleurs et pétille comme un verre de cidre. Le goût de la pomme et l'odeur des viburnums. Les clochers s'envolent, les cloches sonnent à grand fracas. Vous prenez la voiture et partez pour Rouen, le GPS vous fait découvrir tout un monde caché de jardins timides et de vergers discrets, d'églises minuscules encapuchonnées d'ardoise. Rien n' arrête votre détermination d'arriver au plus vite, à peine si quelques brocantes signalées sur la route vous donnent quelques regrets aussitôt oubliés. Vous voguez sur l'écume de vos souvenirs et l'air transparent et léger vous enivre. Le paysage se déroule comme un long ruban dont vous reconnaissez toutes les nuances.  A Rouen, vous vous arrêtez dans un bistrot qui  a l'air de ne pas avoir changé depuis le début du siècle dernier, vous commandez une andouillette AAAAA qui arrive aussitôt dorée, entourée de  pommes frites maison et de tomates confites. Vous dégustez votre assiette en fondant de plaisir, assise à la terrasse au soleil, face au marché Saint Marc. A coté de vous de jeunes gens, une jeune femme et deux jeunes hommes se régalent d'un magret de canard; leur cageot de légumes, trône  à leur côté sur une chaise vide. Ils parlent de leur méconnaissance de l'histoire de l'Empire et de la fin du 19ème siècle. Un des trois avoue ne pas faire la différence entre Napoléon Ier, et Napoléon III. Ils s'expriment dans une langue qui vous rappelle celle de Rohmer. Cette petite scène dont vous êtes témoin malgré vous, vous ravit le coeur. Vous feuilletez des magazines  destinés aux clients, Causette et les Inrock, vous vous émerveillez de trouver cette presse ici. Vous vous dîtes que la France est un pays magnifique et que vous devriez revenir plus souvent. Il ne reste presque rien de l'impression d'un pays secoué par la tempête que les médias vous ont donné cet hiver, à peine l'ombre d'une inquiétude. Le soleil vous fait cligner des yeux et vous assomme un peu. Vous vous abandonnez à la douceur et à la sérénité d' un frisson d'optimisme. Vous penserez plus tard à traquer l'inquiétude, le malaise et les signes de repli sur soi d'un pays en crise. Pour l'instant vous fermez les paupières et vous vous laissez gagner par l'insouciance. 




Café de l'Epoque
43 rue Armand Carmel
Rouen


La Buvette du Robec
219 rue eau-de-Robec
Rouen

Maison Sérieuse
Jérôme Thoumyre
Curiosités 
106 rue Malpalu
Rouen


Les Cousines 
Pâtisseries anglaises et françaises
16 place du lieutenant Aubert
Rouen




Lien: Bernard Turle: Autopsie d'une inquiétude, Editions François Bourin, mars 2014










1 Café de l'Epoque, 2&3 Le terrain de pétanque au chevet de l'église Saint Maclou, 4&5 L'aître Saint Maclou, 6 La Buvette du Robec


*Toutes ces adresses sont situées dans le quartier Saint Maclou.



3 comments:

  1. Cela m'a tout de suite fait penser a:

    "Le ciel est, par-dessus le toit,
    Si bleu, si calme !

    Un texte tres realiste.
    Un arbre, par-dessus le toit,
    Berce sa palme...

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  2. Au sujet du livre , récent, de Bernard Turle, un livre poético-politique, "Autopsie d'une inquiétude", article et points de vue ici =
    http://www.isere-antifascisme.org/autopsie-d-une-inquietude-livre-de-bernard-turle-un-voyage-sentimental-dans-le-dans-le-var
    "Autopsie d'une inquiétude" : dans le Var brunissant, un voyage sentimental et de résistance

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    1. Merci pour ce complément d'information.
      J'ai eu le plaisir de voir s'afficher hier un message de Bernard Turle que j'ai malencontreusement effacé, à mon grand désespoir. Mes connaissances en informatiques étant très limitées, je n'ai pas su le retrouver. Mon petit billet était la réaction à chaud à un petit voyage en Normandie après un hiver passé en Allemagne à écouter des nouvelles de la France via le filtre des média. J'ai eu avec des inconnus rencontrés ici et là de petites conversations spontanées qui trahissaient souvent une "atmosphère morale", d'inquiétude diffuse face à la montée des extrêmes. J'ai voulu témoigner de cette prise de conscience, à la manière de ce blog avec distance et auto-dérision. Et j'ai mis en lien le livre d'un résistant passionné dont j'admire l'engagement.

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