Sois toujours poète, même en prose...
Baudelaire, Hygiène
Pourquoi perd-on ses objets ? Quel est le sens à donner à ces petits tracas ? Que nous dit notre inconscient de ces offrandes au monde, à la vie, aux petits dieux du quotidien? Comment renaît-on de ces menus dépouillements? Entre lien et rupture perd-on son identité à chaque fois -- pour mieux s'en ressaisir ? Fragments ou ellipses quelles figures se dessinent dans ces petits rites de passage ? Qui saura les déchiffrer ? *
...vous connaissez ma terreur des chevaux et des voitures. Tout à l'heure, comme je traversais le boulevard, en grande hâte, et que je sautillais dans la boue, à travers ce chaos mouvant où la mort arrive au galop de tous les côtés à la fois, mon auréole, dans un mouvement brusque, a glissé de ma tête dans la fange du macadam. Je n'ai pas eu le courage de la ramasser. J'ai jugé moins désagréable de perdre mes insignes que de me faire rompre les os. Et puis, me suis-je dit, à quelque chose malheur est bon. Je puis maintenant me promener incognito, faire des actions basses, et me livrer à la crapule, comme les simples mortels. Et me voici, tout semblable à vous, comme vous voyez !
Baudelaire, Perte d' auréole, Le Spleen de Paris
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