D'où vient que les enveloppant, mon regard ne les cache pas,
et, enfin, que, les voilant, il les dévoile?
Maurice Merleau-Ponty*
La fenêtre hollandaise se donne à voir comme un tableau. Elle est une ouverture sur le monde autant qu'une fermeture sur soi. Conçue comme le cadre d'une peinture, elle est une limite opacifiante, un écran entre la chambre close et les territoires de l'au-delà. De là, l'incroyable absence de rideau, à nos yeux, puisqu'elle cache et dérobe à la vue du passant ce qu'elle est censée laisser voir, la naissance du moi et de l'intime. Nul besoin de cet artifice puisqu'elle offre une fiction où le temps et le mouvement se sont figés. Née à l'apogée de l'éloge du quotidien et de sa banalité, elle s'offre comme une nature morte, a still life, un moment de pure présence, d'immobilité et de silence. La promesse d'une vie tranquille. Horizon ultime, elle est un il y a et rien de plus. Elle se donne comme un renversement où celui qui voit est renvoyée à lui-même à son reflet dans la vitre. Elle dessine les territoires du moi, un sol natal où poussent les fleurs dans un vase, où souvent un chat parachève ce rêve d'immobilisme par un sommeil sans fin. Entre surface et profondeur, la fenêtre semble sans épaisseur. Sur sa surface de verre inégale, les objets deviennent le miroir des autres objets et le jeu des reflets, un paysage de vibrations muettes. Descendue à hauteur d'oeil au Siècle d'or, la fenêtre hollandaise et flamande met en scène la réversibilité de l'être, le moment où "l'invisible se fait doublure, profondeur charnelle du visible"*. Elle est tableau, poème et couleur à la fois.
Photographie, Haarlem, © J' attends...