9.12.12

Il n'y a pas de pas perdus. Eric Hazan réinvente Paris



Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés, 
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.

Baudelaire, Le  Soleil*























"Ma vie entière n'a été qu'une longue rêverie divisée en chapitres par mes promenades de chaque jour." Cette phrase de Rousseau dans ses Notes écrites sur des cartes à jouer, Eric Hazan pourrait la faire sienne. Son livre L'invention de Paris se lit et se relit comme une rêverie, comme une flânerie. Il n'y a pas de pas perdus dans les dédales de la pensée de l'auteur; on peut la parcourir en tout sens et découvrir des passages insoupçonnés entre les différentes murailles de Paris, les diverses époques, la grande histoire ou la littérature ménageant des effets de surprises qui relient dans une même géographie réinventée le réel et la fiction. La référence omniprésente aux personnages de récits accroît la vie passée, présente et à venir de la ville de tout l'imaginaire des romans qui ont façonné son image. Le premier chapitre intitulée Psychogéographie de la limite trace à grands traits l'évolution de Paris, au travers de ses enceintes successives en soulignant la force de rupture inscrite dans sa morphogenèse. Un saisissant raccourci de l'histoire de l'éclairage  public et du maintien de l'ordre laisse affleurer un temps long discontinu et souterrain à l'oeuvre dans l'inconscient collectif. Habité par le souvenir de ses lectures - Balzac, Proust, Baudelaire, Walter Benjamin, Sébastien Mercier, l'auteur nous fait ressentir combien la construction de Paris relève davantage du mythe que de la géographie. Prenant le parti "des anonymes, des obscurs, des sans-parts, des architectes du désordre, qui de génération en génération, se sont transmis l'art d'empiler les magiques pavés", il fait dans Paris rouge une histoire symbolique de la révolution parisienne dont la grande forme est la barricade. Les deux derniers chapitres Les flâneurs et Les belles images sont une ode à tous ceux qui "depuis le dix huitième finissant ont initié la modernité en prenant la grande ville comme matériau et l'errance comme support de leur création." Le livre est paru en 2002, il est maintenant réédité dans la collection Beaux livres de Hatier avec une belle et riche iconographie. 


*Cité par Eric Hazan, L'invention de Paris, chap. Les flâneurs, p. 436, Seuil, 2002
Le choix  des  images vient des analyses de Eric Hazan, L'invention de Paris,  chap. Les belles images, Seuil, 2002













Eric Hazan, L'invention de Paris
Beaux Livres, Hatier, 2012



Walter Benjamin, Paris capitale du XIX° siècle,
 Le livre des passages, éditions Allia 






Marchand d'abat-jour, rue Lepic, Montmartre, 18e arrondissement, 1899 © Eugène Atget / Musée Carnavalet / Roger-Viollet 
Marchand ambulant, place Saint-Médard, 5e arrondissement, septembre 1899 © Eugène Atget / Musée Carnavalet / Roger-Viollet 
3 Robert Doisneau, Les halles 1933 © Robert Doisneau 
4 Charles Marville, rue des  Marmousets par la rue saint Landry, Paris, 1858 
5 Edouard Manet The Railwayoil on canvas, 1873, National Gallery of art Washington
6 André Kertész, Un matin d'hiver au café du Dôme, 1928 Ministère de la Culture, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, Rmn © Donation André Kertész















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