Mais enfin, mais enfin qu'est-ce qu'il y a dans le voyage ?
Gilles Deleuze
Intensités immobiles et pays profonds
Dans Abécédaire, l'entretien accordé à Claire Pernet qui ne devait être diffusé qu'après sa mort, Gilles Deleuze s'interroge sur le Voyage. V comme Voyages. Il réfléchit tout haut et laisse filer sa pensée attrapant aux passages quelques références qui lui sont chères. Il évoque d'abord Crack up de Fitzgerald, le voyage ne serait qu'"une rupture à bon marché", puis moqueur, il cite de mémoire la phrase de Beckett dans Mercier et Camier. "Nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager, que je sache; nous sommes cons, mais pas à ce point." Il revient plus longuement sur son concept de nomadologie. "Rien n’est plus immobile qu’un nomade. Rien ne voyage moins qu’un nomade." L'unique bonne raison de voyager serait celle qu'en donne Proust. Voyager "en bon rêveur", pour aller vérifier si ce qu'on a rêvé est bien là. Puis il nous fait partager ses intensités verticales, ses terres étrangères. "En tous cas, j'ai pas besoin de bouger. Moi, toutes les intensités que j'ai, c'est des intensités immobiles. Les intensités ça se distribue forcément dans l'espace extérieur. Moi, je t'assure que quand je lis un livre que j'admire, que je trouve beau, ou quand j'entends une musique que je trouve belle, vraiment, alors j'ai le sentiment de passer par de telles étapes, jamais un voyage ne m'a donné de pareilles émotions... Alors pourquoi j'irais les chercher, ces émotions-là qui ne me conviennent pas très bien alors que je les ai en plus beau dans des systèmes immobiles comme la musique ou la philosophie ? Il y a une géo-musique, il y a une géo-philosophie, je veux dire c'est des pays profonds, hein. Ben c'est plus mes pays, oui... "
On pourrait ajouter la géo-littérature. La Stendhalie, les pays de neige de Kawabata, Walden pond ... Chacun complètera la liste de ses territoires rêvés, de ses pays immobiles. Découvert à la librairie Volume, rue Notre-Dame de Nazareth, le beau livre blanc des éditions bruno, Venice. A document. Comme oubliées dans les pages du livre des photographies de Sant'Andrea de la Zirada de Sissi Roselli. Juste pour vérifier la couleur et la texture des pavés.
Librairie Volume
47 rue Notre-Dame de Nazareth
75003 Paris
Liens : Les Caves du Majestic, 2013
Venice. A Document by Sara Marini, Alberto Bertagna, bruno, 2014
Samuel Beckett, Mercier et Camier
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