21.2.15

Masquerade. Saül Steinberg and Inge Morath's Mask Series


Photography is a strange phenomenon. You trust your eye and you cannot help but bare your soul. 





















Pour Saül Steinberg, nous portons tous des masques. Plus une société est organisée, plus ses membres sont tenus de représenter ce qu'ils sont censés être. Notre visage est un masque que nous avons appris à porter. Nous savons comment, en quelles circonstances, jouer de nos yeux, de notre bouche, de la mobilité de nos traits pour cacher ou laisser percevoir nos émotions. Chacun de nous a pu en faire l'expérience, a pu en sentir la violence parfois. 

Selon l'artiste, seul le nez ne pourrait mentir. Il est l'organe primitif de nos instincts. Lui seul dirait la vérité d'un visage. Dans l'interview d'Adam Gopnik pour la revue Egoiste en 1992, c'est l'essence même de l'identité si particulière de sa ligne qui semble mise en mots, sa perspective décalée sur le monde, ses focales toujours inattendues. 

Pour moi, l'instrument fiable par excellence est le nez. Freud a fait le mauvais choix en laissant tomber le nez pour le sexe. Quand je retourne la nuit, dans la maison de mon enfance, et que j'essaye de renifler le passé, je laisse mes émotions nasales me dire la vérité. Je découvre que je suis une maison. Dans la chambre et le salon se trouvent mes meilleurs amis et mes nombreux parents : les sens ; les yeux, la langue, le nez, les doigts... plongés dans des conversations et des émotions constantes. Je soupçonne les yeux et le nez d'être plus vieux que moi et de posséder leur propre cerveau. Peut-être sont-ils des anges. J'entends au sous-sol l'enfer qui gronde : la chaudière et la plomberie, comme une famille invisible, le coeur, les reins : des paysans, des chiens, des chevaux. Et tout en haut au grenier me parviennent les cris perçants de mes cousins fous : Paranoïa et Hypocondrie. On apprend à vivre avec.* 

Saül Steinberg a passé sa vie à observer la société américaine, à la décoder dans ses célèbres dessins pour le New Yorker. Il dit de lui-même qu'il est un écrivain qui dessine. Il nous rappelle que la littérature peut aussi s'écrire sans mot. Sa définition de l'artiste, "un homme qui s'est fait lui-même, moitié catastrophe, moitié quelque chose qu'on n'a encore jamais vu", a beaucoup à nous dire. 
Inge Morath a rencontré Saül Steinberg en 1958. Quand elle est arrivée chez lui pour faire son portrait, il lui a ouvert la porte avec un masque sur la tête confectionné dans un sac en papier. Cette séance inaugurale a été le point de départ d'une collaboration de plusieurs années pour The Mask Series.



Lien : A lire, Saül Steinberg dans Egoïste de Ma Galerie à Paris




















*Interview de Saül Steinberg par Adam Gopnik, © Egoïste n° 12, 1992 






Vidéo, Saül Steinberg talks (1967)












1, 2, 3, 4, 5 Inge Morath, Mask series © The Inge Morath Foundation/Magnum Photos 
© Inge Morath, Saül Seinberg with Nose Mask, Manhattan, 1966
© Saül Steinberg, dessin
© Saül Steinberg, autoportrait


5 comments:

  1. Un beau retour sur Saül Steinberg croisé sur les couvertures du "The New Yorker" mais dont j'avoue ne pas avoir à l'époque retenu le nom. Quelle influence. Quel nez!

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  2. P.S. Merci pour la reference a Eric Hazan "L'invention de Paris" Il n'y a pas de pas perdus...

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  3. Hello Katia. Thank you for the comment you left on my blog some time ago. It was very thoughtful of you. I loved watching this interview with Saul Steinberg. So interesting.

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  4. Hello Katia. Thank you for the comment you left on my blog some time ago. It was very thoughtful of you. I loved watching this interview with Saul Steinberg. So interesting.

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  5. Dear Judith, I am so happy you came back to your blog. Visiting your little shed is my morning meditation. Sorry for my late answer, the return to my summer home has taken most of my time and energy. Specially at the beginning of the season when all was to be done, digging and planting my sweet peas, reconnecting to the ground and the forest.

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