A Gérald
Ah la Normandie ! J'ai une rage de Normandie, comme on a une rage de dents,
Ah la Normandie ! J'ai une rage de Normandie, comme on a une rage de dents,
seulement cette rage de Normandie ne me fait mal que quand je suis loin !
Jules Barbey d'Aurevilly*
Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !
Charles Baudelaire**
Depuis que le beau livre de Gérald Le Signe et de Bruno Alder m'est tombé dans les mains, la Manche un regard singulier, combien d'heures ai-je passé à rêver entre ses pages comme dans un livre d'images... C'est là que mon voyage a commencé sous le halo de ma lampe de chevet. J'ai appris à y lire ce regard singulier comme un jeune enfant apprend à déchiffrer, pas encore sûr de ses signes mais avide d'explorer. Je me suis fait happer par l'atmosphère de brume marine, les odeurs de varech, la mer qui n'est jamais aussi puissante que vue au travers d'une fenêtre.
Je n'avais pris pour guide de voyage que les légendes de vos photos hâtivement recopiées sur une feuille volante. Quelle vision et quelle photographie! J'ai passé l'épreuve du réel et l'initiation est porteuse de renouveau. Je reviens les bagages chargés de vent, d'embruns et de graines car votre désir de rivage tient autant de l'eau que de la terre. J'ai appris que l'air de la Manche n'est pas celui de l'Océan qui porte avec lui le secret du grand large, le parfum de la fleur de vanille ; l'air de la Manche est un entre-deux, un territoire incertain et toujours renouvelé entre basse-terre et vives-eaux, qui sent bon le goémon, les herbes de la mer.
Je n'avais pris pour guide de voyage que les légendes de vos photos hâtivement recopiées sur une feuille volante. Quelle vision et quelle photographie! J'ai passé l'épreuve du réel et l'initiation est porteuse de renouveau. Je reviens les bagages chargés de vent, d'embruns et de graines car votre désir de rivage tient autant de l'eau que de la terre. J'ai appris que l'air de la Manche n'est pas celui de l'Océan qui porte avec lui le secret du grand large, le parfum de la fleur de vanille ; l'air de la Manche est un entre-deux, un territoire incertain et toujours renouvelé entre basse-terre et vives-eaux, qui sent bon le goémon, les herbes de la mer.
* Lettre à Elizabeth Bouillet du 22 mars 1872
** Charles baudelaire, Le voyage
Alain Corbin, Le Territoire du vide : L'Occident et le désir du rivage, 1750-1840