26.12.16

Covering the Universe with Drawings. Anne-Marie Fiquet's Cartography










Each one of us, then, should speak of his roads, his crossroads, his roadside benches; each one of us should make a surveyor’s map of his lost fields and meadows. Thoreau said that he had a map of his fields engraved in his soul.
Thus we cover the universe with drawings we have lived.




Chacun devrait alors dire ses routes, ses carrefours, ses bancs. Chacun devrait dresser le cadastre de ses campagnes perdues.




Gaston Bachelard 






Anne-Marie Fiquet Art on paper

18.11.16

Twinkle, Twinkle Little Words. Katherine Mansfield's Gaze into Childhood












If you can't go to the woods, if you can't go to the sea, if you can't cut out a frame of your window, if you can't keep the wild in you, then leaf through The garden Party, open it anywhere and you 'll pick up emerald green treasures twinkling like small epiphanies high above the greyish fragments of your urban day. 



Pip took something out of his pocket, rubbed it a long time on the front of his jersey, then breathed on it and rubbed it again.
"Now turn round!" he ordered.
They turned round.
"All look the same way! Keep still! Now!"
And his hand opened; he held up to the light something that flashed, that winked, that was a most lovely green. 
"It's a nemeral," said Pip solemnly.
"Is it really, Pip?" Even Isabel was impressed. 
The lovely green thing seemed to dance in Pip's fingers. Aunt Beryl had a nemeral in a ring, but it was a very small one. This one was as big as a star and far more beautiful. 


Katherine Mansfield, At the Bay 




Images 1- Found on flickr with no name
Image 2- Book cover of Katherine Mansfield, The Garden Party, Harper Collins Publishers, 2016
Impossible to find the illustrator's name so far. Any clue?   


16.10.16

Mapping Copenhague onto my Skin.

Everyday, I walk myself into a state of well-being and walk away from every illness. I have walked myself into my best thoughts, 
and I know of no thought so burdensome that one cannot walk away from it. 

 Søren Kierkegaard*



Un jour on construira des villes pour dériver.

Guy Debord







New York était une ville où l'on respirait sans gêne... une ville où tout semblait possible. A l'image du tissu urbain, le tissu social et culturel offrait une texture criblée de trous. Il suffisait de les choisir et de s'y glisser pour atteindre comme Alice de l'autre côté du miroir, des mondes si enchanteurs qu'ils en paraissaient irréels ...Il suffisait d'un peu de culture et de flair pour que s'ouvrent ... dans le mur de la civilisation industrielle, des portes donnant accés à d'autres mondes et à tous les temps. Nulle part, sans doute, plus qu'à New-York, n'existaient à cette époque de telles facilités d'évasion. Elles semblent presque mythiques aujourd'hui où l'on n'oserait plus rêver de portes : à peine de niches où nous pourrions encore nous blottir.



Voilà New-York telle que Claude Lévy-Strauss la décrit dans Tristes tropiques. Quelle ville aujourd'hui pourrait prétendre à ces doublures utopiques, à ces seuils, à ces passages dans d'autres mondes et d'autres temps ? La plupart des villes d'Europe et d'horizons plus lointains semblent pinterestées. D'un bout à l'autre de la planète, les mêmes enseignes, les mêmes uniformes vestimentaires, les mêmes assiettes, le même tropisme esthétique. Où sont les marges, les trous, les niches ? Pourquoi voyager encore si tout converge et se ressemble ?  Quelque chose résiste pourtant, quelque chose d'indéfinissable, d'impalpable, une trace comme le fantôme d'une odeur, d'un son, quelque chose qui ne serait accessible qu'au flâneur des deux rives, au marcheur infatigable, à celui qui saurait se perdre et s'oublier.

De plus en plus ces trous dont rêvaient Claude Lévy-Strauss se concentrent dans les quartiers périphériques, dans les espaces ignorés des visiteurs, le long de lignes de chemin de fer, dans d'anciennes friches industrielles, dans les gares, les aéroports, les tunnels de métro et parfois à l'autre bout du spectre dans les banlieues résidentielles. Certains lieux qui pourraient être définis comme des hétérotopies, peuvent parfois assumer cette fonction de suspendre le temps et l'espace ; les églises, les cimetières condensent le précipité de l'histoire des peuples que nous visitons, conservent les lois les plus profondes qui régissent leur manière de vivre ensemble, naturalisent leurs croyances anciennes.  En traversant le cimetière Assistens de Copenhague on est d'abord frappé par sa grande ressemblance avec le cimetière Melaten de Cologne. Cependant à y regarder d'un peu plus près on s'aperçoit que les monuments aux morts sont plus discrets à Copenhague. Ils sont le reflet d'une gradation de sensibilités que l'on pourrait cartographier en lui superposant un autre calque, celui des différentes confessions religieuses réformées qui ont touché les pays du Nord de l'Europe et façonné leur rapport au monde et aux autres. Dans le cimetière Assistens, les différences sociales sont très peu marquées, peu de grands monuments, aucun espace fermé ou enclos, une grande ouverture qui permet à la nature de reprendre ses droits, parfois juste une collection de pierres posées les unes à côté des autres gravées de noms effacés par l'usure des saisons.

On peut penser à une écologie relictuelle, un conservatoire de l'invisible et de l'indicible, des silences. A moins que ce quelque chose qui résiste ne puisse s'objectiver mais soit de l'ordre de l'intériorité ? Une certaine disposition à la méditation active, l'aptitude à se rendre, comme le papier photographique, sensible aux impressions pour capturer l'instant, la possibilité de trouver dans la contemplation d'une étendue froide et humide d'eau couleur de charbon l'étincelle d'une épiphanie.



*Søren Kierkegaard, lettre à Henriette Lund, 1847





Se promener dans Nørrebro et visiter le Cimetière Assistens, un des plus beaux jardins de Copenhague. Y chercher les tombes de Hans Christian Andersen et de Søren Kierkegaard. Centre culturel dans ses murs et brocante tous les samedis matins d'avril à octobre. Faire une pause chez Grød pour manger porridge ou risotto. Nombreuses boutiques vintage et 2nd hand. 







Jægersborggade 50

2200 København N



P - A - R 

Proper Attire Requested
2nd hand for men 

Jægersborggade 45

2200 København N.





Guy Debord, Theory of the derive here et en français .



Photographie : Céline Boyer, Empreintes

13.10.16

Lost in Translation. Hygge Copenhagen






Posée comme un diamant noir sur la mer Baltique, Copenhague n'en finit pas de se réinventer entre Nouvel âge d'or architectural et Risorgimento environnemental. Venise scandinave, l'eau est à n'en pas douter son élément primordial, suivi du vent qui fait tourner ses éoliennes ; la municipalité vise la neutralité carbone pour 2025 avec toujours plus de pistes cyclables citoyennes. 
Comme dessinés sur l'eau, le nouvel Opéra, le Théâtre Royal et le Black Diamond, (l'extension de la Bibliothèque Royale qui recèle quelques uns des plus beaux manuscrits du monde, dont ceux de Søren Kierkegaard et de Hans Christian Andersen), regardent son front de mer où il fait bon paresser dans des chaises longues à tendeurs, délicieusement confortables. Une des valeurs suprêmes danoises n'est-elle pas encapsulée dans l'expression hygge ? Difficilement traduisible, entre agréable, confortable, solide et sûr; le site officiel du Danemark propose intimité et nuance : "veut dire aussi créer une ambiance chaleureuse, jouir de la vie et de la compagnie des autres." On ne plaisante pas avec le bien-être et la sécurité dans ce royaume de l'Etat Providence où l'enfant est roi, les sans-abris invisibles, abrités dans des skaeve hus, (petites unités d'habitation de 40 m2 construites par l'Etat et la mairie) et l'expression de la gratitude envers tout et tous une routine de salubrité publique. L'image d'Epinal est-elle aussi lisse ? Des interventions d'artistes contemporains dans le SMK sur le thème du nationalisme danois laissent percevoir quelques aspérités refoulées.
Qui sait ?   









  





















Visiter la ville avec les Harbour Bus lignes 901 et 902  qui relient Nordre Toldbod, Nyhavn, Knippelsbro et la Bibliothèque Royale. 
Faire une pause au café de Viktor Vibskov, Den Plettede Gris (Le Cochon Moucheté) dans Christianhavn avant de découvrir la ville libre de Christiana.
Et faire du vélo ... en empruntant le Snake, pont cyclable au-dessus de la mer pour se rendre dans le quartier d'Islands Brygge.











10.10.16

Either or. Fleeting moments in the SMK























Rodin valued his drawing drive as a central trope to his art. "It is very simple. My drawings are the key to my work."  Like visual notes meant to capture human life, human energy, his drawings are infused with desire and transgressive elements flowing onto the paper. Apparently Louise Bougeois was constantly deprecating her drawings. She described her diaristic approach to drawing as "just a little help." She denied to the fleeting act of drawing the "power of exorcism" that she could look for and find into sculpture. Like a fragile handwriting they seem to retain au fil de l'eau her daily stream of consciousness. They are all the more precious because they enclose transient states of mood and obsessions as if they were shorthand notes for the Living.

I can't really understand it but I can feel it. There is always a phantom that prowls around when you are engaging with writing whatever the level you are involved in. For me he/she is now taking the form of collage and reminiscence, something hidden like a pearl in an oyster. Something like a shadow or a fall. Something that is.





SMK 

Statens Museum for Kunst



Sølvgade 48-50



København K









22 September 2016 – 15 January 2017




Title. Kierkegaard Shadow



27.8.16

Vanishing into White. Entre ciel et terre

A Gérald 


Ah la Normandie ! J'ai une rage de Normandie, comme on a une rage de dents,
 seulement cette rage de Normandie ne me fait mal que quand je suis loin !

Jules Barbey d'Aurevilly*


Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !

Charles Baudelaire** 








Depuis que le beau livre de Gérald Le Signe et de Bruno Alder m'est tombé dans les mains, la Manche un regard singulier, combien d'heures ai-je passé à rêver entre ses pages comme dans un livre d'images... C'est là que mon voyage a commencé sous le halo de ma lampe de chevet. J'ai appris à y lire ce regard singulier comme un jeune enfant apprend à déchiffrer, pas encore sûr de ses signes mais avide d'explorer. Je me suis fait happer par l'atmosphère de brume marine, les odeurs de varech, la mer qui n'est jamais aussi puissante que vue au travers d'une fenêtre. 
Je n'avais pris pour guide de voyage que les légendes de vos photos hâtivement recopiées sur une feuille volante. Quelle vision et quelle photographie! J'ai passé l'épreuve du réel et l'initiation est porteuse de renouveau. Je reviens les bagages chargés de vent, d'embruns et de graines car votre désir de rivage tient autant de l'eau que de la terre. J'ai appris que l'air de la Manche n'est pas celui de l'Océan qui porte avec lui le secret du grand large, le parfum de la fleur de vanille ; l'air de la Manche est un entre-deux, un territoire incertain et toujours renouvelé entre basse-terre et  vives-eaux, qui sent bon le goémon, les herbes de la mer.  





* Lettre à Elizabeth Bouillet du 22 mars 1872

** Charles baudelaire, Le voyage



Alain Corbin, Le Territoire du vide : L'Occident et le désir du rivage, 1750-1840



12.8.16

Sauver quelque chose du temps*. Un jour à Granville

(...) le regard est toujours virtuellement fou.

Roland Barthes**




Deux enfants se tiennent par la main. Un petit garçon en vareuse et une petite fille à la natte. A moins qu'Elle ne se tienne les mains croisées dans le dos pour appuyer son silence. J'aime leurs jambes dont l'absence de dessin appelle la reconstitution de celui qui regarde, l'imprimé fleuri de la robe.
La mer n'est pas loin...
La technique de frottage me touche par sa fragilité. Un dessin d'après photographie, me dit-on. Comment se dégage cette substance photographique ? Qu'est-ce ce qui rend ce tracé si farouchement vivace? L'épreuve du temps à venir, une empreinte insaisissable comme une transmutation de matière ? Le passage du "ça a été" de la photographie au "cela est" de toute éternité du dessin. Peut-être faut-il descendre en soi-même pour trouver l'évidence de cette présence ?** 
Un petit cadre dormant dans mes tiroirs avec son verre soufflé à l'ancienne -une bulle de deux ou trois millimètres vient se poser juste au-dessus de la signature de l'artiste, semblait attendre ce crayon depuis longtemps. Les objets qui nous arrivent en savent-ils plus long que nous ? 






* "Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais." Annie Ernaux,
 Les Années

** Roland Barthes, La Chambre claire

***"Je devais descendre davantage en moi-même pour trouver l’évidence de la photographie" Roland Barthes, La Chambre claire 







Atelier Véronique et Philippe Senlanne 
 34 rue des Juifs 
50400 Granville










Granville est la première ville que je vois du Cotentin, la rue des Juifs ma première étape, un coup au coeur pour cette ville et pour cette rue si singulière avec ses ateliers d'artistes, céramistes, galerie de photos, boutiques d'antiquités, librairie, friperie. Un bonnet de bain des années 50-60 avec des fleurs blanches vu dans la vitrine de Chats-nippés (fermé alors), me trotte encore dans la tête. 






Chats-nippés
58 rue des Juifs
50400 Granville


Frédéric Régnier
Céramique
48 ter rue des Juifs
50400 Granville


Pauline antiquités
59 rue des Juifs
50400 Granville






Photographies : 1- Dessin de Véronique Senlanne 
 2- Atelier Senlanne, vanités en céramique


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6.8.16

De terre ou de mer ? A la découverte du Cotentin

Ô que je voudrais qu’il vous fût possible de voir un peu mon endroit natal avec moi! J’imagine que ce pays vous plairait par bien des côtés de sa physionomie, et que vous comprendriez combien je m’y sens de plus en plus attaché. Je crois que sa physionomie seule serait suffisante pour attacher un homme fait pour recevoir des impressions. 
Ô encore un coup, comme je suis de mon endroit !  

Jean-François Millet*





Dans le cellier de la maison natale de Jean-François Millet, bien rangée sur les étagères de la vaisselle en terre ayant appartenu à la famille du peintre, très unie dit-on. Des jarres et des pots pétris de terre et d'amour comme les draps de chanvre et d'ortie qui gardent la mémoire des grands événements de la vie, mariage, accouchement, premiers émois. Toute la vie des choses muettes est là devant vous. Le plus vivant ne se donne pas à voir ni à sentir d'emblée dans ce hameau de Gruchy qui respire l'arrière pays plus que la mer si proche. Juste au bout de la ruelle derrière une barrière coutançaise, la mer vous surprend comme une bête tapie derrière les rochers. 







Maison natale Jean-François Millet

Hameau Gruchy

50440 Gréville-Hague






Photographies : J'attends...
Dessin de Jean-François Millet ,  Le vieil arbre du bout du village de Gruchy.
Orme, depuis, abattu par la tempête.

* Lettre du 12 août 1871 à Sensier